Flânerie poétique sur les lacs italiens

Garde, Côme, lac Majeur… Entre Piémont, Lombardie et Vénétie, s’étirant aux pieds des Alpes, les grands lacs de la péninsule italienne n’ont rien perdu de leur magie. Écrivains et musiciens vinrent y abriter leurs amours et leurs rêveries ; l’aristocratie européenne y trouva un lieu de villégiature privilégié, le commun des mortels une nature somptueuse. Bordées de villas et de jardins inouïs, leurs rives affolent encore les sens. Comme leur douceur de vivre, leur calme salutaire et leur climat bénéfique. Y vivre reste un privilège.

Garde, le plus grand

Sur les routes de Véronne et de Venise veille le lac de Garde. Le plus grand (370 km²) et le plus beau disent certains. Une leçon d’harmonie. Protégé au nord par de hautes montagnes, il jouit d’un climat qui fait pousser sur ses rives vignes et oliviers, orangers et citronniers. Cela lui valut du temps des Romains le surnom de « Lac bénéfique », Virgile et Pline l’Ancien chantèrent ses louanges.

Depuis la petite commune de Malcesine, un funiculaire nous emmène à plus de 2 000 mètres d’altitude sur le Monte Baldo. De là-haut, on aperçoit les toits de tuiles, les plages, les vieux clochers, des palmiers narguant les cimes enneigées, des hôtels au charme désuet et des bateaux prompts à nous soustraire pour une balade romantique de village en village :Gardonne Rivierra, Toscolano-Maderno, Desenzano del Garda, Bogliaco, ou Limonequi doit son nom aux odorantes plantations de citronniers qui l’entourent. On distingue même la presqu’île de Sirmione, Où Maria Callas aimait venir se reposer entre deux concerts.

Au XIIIe siècle, saint François d’Assise fonda un monastère sur la plus « grande » des cinq petites îles du lac, l’île de Garde. Le saint, de retour d’Orient, planta parait-il lui-même les premiers citronniers. Les moines occupèrent les lieux jusqu’en 1797, année où Napoléon fonda la République cisalpine. À la fin du XIXe siècle, têtes couronnées, industriels, hommes politiques, écrivains et poètes désespérés vinrent y chercher l’inspiration ou l’amour. (Chateaubriand voyait dans les lacs italiens  » l’asile de tous les adultères »), ou simplement l’émerveillement et la quiétude devant les paysages. Goethe, Kafka, Lord Byron, James Joyce, Somerset Maugham….En 1921, le poète Gabriele D’Annunzio fit l’acquisition à Gardonne Riviera d’un palais et en fit un monument à sa propre gloire, au milieu d’un jardin extraordinaire :  le Vitttoriale degli Italiani ; il l’offrit, à sa mort au peuple italien.

Avant de quitter ce lac, une dernière étape s’impose au village de Valeggio sul Mincio. Au menu, les meilleurs tortellinis d’Italie, accompagnés de vins locaux. C’est ici que sont produits le bardolino et le valpolicella. 

Majeur, le plus majestueux

À cheval sur le Piémont, la Lombardie et le Tessin suisse, le lac Majeur est la première étape lorsque l’on vient de France par la route. Encadré d’ondoyantes collines et de hautes montagnes qui l’abritent des vents du Nord, il s’étire sur plus de 60 km.

Jardins tapissés de magnolias et d’azalées, cyprès taillés au millimètres, hôtels fin de siècle Art nouveau (stile liberty, en Italien) se succèdent, témoignant de l’époque où les riches familles milanaises venaient profiter de sa douceur toute méditerranéenne. De paisibles bourgades jalonnent ses berges,Cannobio, Verbiana ou Stresa, sur la rive occidentale, où nous posons nos valises. Histoire d’admirer encore et encore quelques villas construites entre la seconde moitié du XIXe siècle et le début du XXe : La villa Castelli, qui servit de décor à La Chambre de l’évêque, de Dino Risi ; la villa Muggia du célèbre industriel allemand Werner Von Siemens (il dessina lui-même les sentiers qui courent entre des arbres séculaires) ; la villa Vignolo, restaurée par le styliste Gianfranco Ferré qui lui redonna sa splendeur d’antan.

Suivre leurs traces nous emmène naturellement sur celles d’artistes venus s’imprégner de paysages propices à l’imagination : Flaubert, Dickens, Hemingway, Arturo Toscanini… À Stresa, prenons le bateau, direction la ville suisse de Locarno tout au nord, véritable balcon sur le lac. Puis celui pour les îles Borromées. Trois îlots dont le nom rend hommage à une famille lombarde, les Borromeo, qui s’y installa dès le XVe siècle.

Isola Madre est un écrin de verdure avec un jardin botanique à l’anglaise, des arbres centenaires et des paons. Isola dei Pescatori, la seule qui soit habitée, a conservé son aspect de village de pêcheurs, ruelles étroites et simplicité des édifices. Et surtout Isola Bella, l’île-palais, presque entièrement occupée par un château baroque du XVIIe siècle entourée de jardins à l’italienne évoquant un décor de théâtre, et semée çà et là de statues inspirées de la mythologie. Napoléon y séjourna en 1797. On dit du Lago Maggiore qu’il est le plus majestueux parce qu’il sert d’écrin à ces îles.

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